Le Tournoi des 6 Nations débute ce vendredi et nos Bleus défient ce soir au Stade de France (21h15) un Pays de Galles en perdition. Une affiche si déséquilibrée sur le papier ? On a tenté d’y répondre. L’Irlande, en quête d’un triplé historique et promise au titre par de nombreux observateurs est-elle si favorite qu’on le prétend ? Le XV du Trèfle reçoit une Angleterre qui, sous la houlette de Steve Borthwick se refait peu à peu la cerise. Finn Russell essaiera de guider l’Écosse vers un succès final qui les fuit depuis 1999, alors que Patrice Collazo, débarque comme pompier de service au Racing 92. Une bonne idée ? Voici les informations à ne pas manquer avant ce grand week-end de rugby.
Le Pays de Galles, une formalité ?
Le XV de France démarre donc son Tournoi des 6 Nations ce vendredi soir (21h15) au Stade de France par la réception du Pays de Galles. Et si l’affrontement entre les deux équipes a souvent donné lieu à des rencontres épiques, ce temps est désormais révolu. Qu’elle semble bien loin, cette époque pourtant récente, où les Bleus venaient à bout des Gallois au terme d’une partie déjà à classer dans les livres d’histoires, dans un épilogue hitchcockien, 100 minutes au chrono, ponctuée de mêlées interminables qui se termineront par un essai de Damien Chouly transformé par Camille Lopez (2017, succès 20-18). Ou alors cette victoire in-extremis en 2021 (32-30), décrochée dans les arrêts de jeu avec un essai inscrit en coin par Brice Dulin, privant le XV du Poireau, non pas de la victoire finale mais d’un Grand Chelem qui leur tendait les bras.
Désormais, le XV de France, qui continue de truster les sommets mondiaux, a plus que jamais largué son adversaire celte du jour. À tel point que cette entrée en matière dans la compétition continentale, devrait représenter une formalité pour la bande à Fabien Galthié. Rendez-vous compte, pourtant si dominateurs il y a peu, vainqueurs encore du Tournoi en 2019 ou 2021, les hommes de la Principauté sont désormais à des années lumière de leur niveau d’antan. L’an passé, les Gallois ont terminé derniers du tournoi, héritant de l’honorifique mais peu flatteuse cuillère de bois.
Des cadres ont claqué la porte à l’aube de la Coupe du Monde 2023, le rugby gallois connaît une crise financière sans précédent, sous fond de divergences entre fédération et joueurs, les provinces ne pèsent plus dans les compétitions européennes et le vivier gallois paraît faible, connaissant un trou générationnel. À l’heure actuelle, le meilleur dix du pays, reste sans l’ombre d’un doute Sam Davies. Problème, le joueur n’est pas sélectionnable et joue actuellement à Grenoble en Pro D2. Preuve du manque de profondeur à des postes cruciaux.
Si d’anciens joueurs comme Liam Williams ont signé leur retour et viendront donner un coup de pouce à leur équipe, cela paraît insuffisant pour renverser la machine tricolore à Saint-Denis. Et si vous aviez encore des doutes sur la terrible crise que traverse le rugby gallois, prenez pour exemple cette improbable statistique. Le Pays de Galles vient d’enchaîner 12 défaites consécutives en matchs officiels. Soit la pire série de son histoire. Cet hiver, la sélection dirigée par Warren Gatland a chuté à trois reprises sur ses terres du Principality Stadium de Cardiff. D’abord contre les Fidji, avant de se faire corriger par l’Australie et l’Afrique du Sud. Bref, rien ne pousse à l’optimisme.
Une Irlande favorite, vraiment ?
Les spécialistes du microcosme rugbystique sont tous unanimes. L’Irlande, qui recevra à trois reprises cette année, dont son principal adversaire, la France, reste la grandissime favorite à sa propre succession. Le XV du Trèfle est d’ailleurs à la recherche d’un triplé historique. Déjà vainqueurs, lors des deux précédentes éditions, les hommes en vert chercheront à être la première équipe à remporter trois fois de suite le Tournoi des 6 Nations. Lorsque la compétition ne comptait que cinq pays, l’Italie ayant fait son apparition en 2000, il faut remonter aux années 80, lorsque la France avait enchaîné les succès de 1986 à 1989 pour trouver trace d’un pareil exploit.
Mais l’Irlande, sûrement la nation européenne dominante de ces trois dernières années et qui compte la meilleure génération de son histoire (du moins sur les résultats), est-elle réellement l’ogre de la compétition ? Pour tout vous dire, nous n’en sommes pas si sûrs. Pourquoi ? Car les partenaires de Jamison Gibson-Park ont montré des signes de faiblesses depuis novembre. Certes, ils ont bien rebondi après l’échec du Mondial 2023, en glanant donc ce Tournoi 2024 puis en s’imposant en Afrique du Sud en juin. Mais cet automne, le XV du Trèfle s’est pris les pieds dans le tapis à domicile face aux Blacks, au terme d’un match bien terne de leur part. Face à l’Argentine, sans un en-avant des Pumas dans les derniers instants, l’Irlande aurait bien pu concéder un nouveau revers à domicile. Ils se sont encore imposés difficilement contre l’Australie ayant entre temps, pris la pleine mesure des Fidji.
Autre argument ? L’absence du sélectionneur Andy Farrell. Ce dernier, retenu pour être l’entraîneur des Lions Britanniques qui se déplaceront en Australie cet été, poste qui demande une grosse préparation, ne pourra assurer son rôle cet hiver. C’est donc Simon Easterby, qui le remplace et prend le poste de sélectionneur intérimaire. Cela peut-il déstabiliser le XV irlandais ? À voir. Toujours est-il que les Celtes ne sont pas si favoris qu’on veuille le faire croire. Surtout que la réception de l’Angleterre, ce samedi, ne s’annonce pas de tout repos. Si cela ne porte pas encore ses fruits sur les résultats, notamment après une tournée d’automne décevante sur le plan comptable, Steve Borthwick fait du bon boulot à la tête de la sélection nationale et les progrès entrevues par rapport à la fin du mandat d’Eddie Jones, notamment dans le rugby pratiqué, sont notables. Non l’Angleterre n’est pas totalement guérie, ni au niveau auquel on a pu la connaître au cœur des années 2010. Mais les hommes de Sa Majesté sont en constante ascension et pourraient jouer un mauvais tour à des Irlandais moins souverains.
Finn Russell pour porter une Écosse affaiblie
L’Écosse peut-elle être candidate à une victoire finale ? Chaque année, nous nous posons légitimement la question. Mais jamais, le XV du Chardon n’arrive à franchir ce palier manquant et court toujours derrière un titre qui n’a plus posé ses pieds dans les travées de Murrayfield depuis 1999. Pourtant, Gregor Townsend possède une génération dorée, renforcée par quelques joueurs naturalisés, qui apportent une réelle plus value. Mais il manque un petit quelque chose, pour remporter un Six Nations qui paraît pourtant à leur portée.
Cette année encore, la tâche s’annonce périlleuse. La faute, en premier lieu, à une avalanche de blessures de joueurs importants. Le trois-quarts centre et capitaine, Sione Tuipulotu, sûrement l’un des meilleurs 12 du circuit mondial, est absent pour l’ensemble de la parenthèse européenne. Sans oublier l’indéboulonnable deuxième ligne Scott Cummings ou le talonneur Dylan Richardson. Mais des éclaircies sont venues renforcer une Écosse qui n’en reste pas moins redoutable. Annoncés blessés, le mastodonte et serial marqueur Duhan Van der Merwe sera bien présent et dès ce samedi contre l’Italie, tout comme Jonny Gray. Et si nous en attendons beaucoup des « Scots » cette année, c’est surtout dû à ce calendrier favorable. Ces derniers vont recevoir l’Italie, le Pays de Galles, soit les deux équipes supposées « plus faibles », et l’Irlande. S’ils veulent avoir une chance de remporter le titre, il faudra venir à bout d’Irlandais, devenus la bête noir des partenaires de Finn Russell, puisque ces derniers ne les ont plus battu depuis 2017. En revanche, le déplacement à Twickenham, s’annonce certes difficile, mais les Écossais pourront s’avancer avec un net avantage psychologique, invaincus face au XV de la Rose depuis 2020 et qui n’ont perdu qu’une fois face à ce même adversaire lors des sept dernières rencontres. Et le déplacement en France pour clôturer le Tournoi pourrait être décisif.
Dans cette équipe, on pense légitimement au co-capitaine, Finn Russell. Génie, surdoué, ouvreur imprévisible au talent énorme et à la technique individuelle au-dessus de la moyenne, le joueur de Bath se sait attendu. En l’absence de certains cadres, il se doit de porter son équipe et dès ce samedi pour la réception de l’Italie (15h15). En pôle pour occuper le poste de 10 avec les Lions en juin, l’ancien joueur de Glasgow ou du Racing, s’affirme aujourd’hui comme l’un des meilleurs éléments de la planète à son poste. Capable toujours de ses coups d’éclats, il semble, depuis quelques années, avoir mûri dans son jeu et porte parfois son équipe sur ses épaules. Il faudra que les autres leaders de l’équipe l’accompagnent, si le XV du Chardon veut enfin mettre fin à 26 ans de disette.
Collazo la solution ?
Il est habitué à jouer le rôle de pompier de service. Patrice Collazo va devoir se retrousser les manches pour sauver un Racing 92, à l’agonie, douzième, et seulement trois points devant son voisin et rival du Stade Français, treizième. L’information commençait à s’ébruiter et a fini par être confirmée dans le courant de la matinée. Stuart Lancaster, a été remercié par le club des Hauts-de-Seine et d’après Canal +, c’est donc Patrice Collazo qui devrait le remplacer.
Une bonne idée ? Nous sommes sur la réserve. Il faut dire qu’après son passage réussi à La Rochelle, ce dernier a connu des expériences mitigées. À Toulon déjà, où son management a eu du mal à passer auprès de certains, Louis Carbonel en tête, provoquant la fronde des joueurs. En manque de résultats, il fut évincé par le club de la Rade, avant de connaître les mêmes sorts à Brive puis Montpellier. Dans ces deux derniers, il fut appelé, alors que les clubs, étaient sportivement dans le dur. Il n’a pu, dans un premier temps, empêcher la relégation du CAB en Pro D2, avant d’en être viré, dû à des résultats en demi-teinte à l’échelon inférieur (seulement sixième de Pro D2). Arrivé au MHR dans la foulée, alors que le club était en perdition, il a eu le mérite de maintenir l’équipe héraultaise en Top 14, remportant le match de barrage à Grenoble. En revanche il ne fut conservé à la fin de la saison par les dirigeants montpelliérains. S’il a certes assuré le maintien, il n’a pas non plus réussi à sortir le MHR de la zone rouge, qui a profité de l’effondrement d’Oyonnax pour ne pas plonger à la dernière place.
Au Racing, le voilà embarqué dans une mission commando qu’il connaît désormais parfaitement. Il aura un peu moins de 6 mois, pour maintenir la formation francilienne dans l’élite. Rien n’indique qu’il restera dans le futur, la manœuvre des dirigeants racingmen ayant été faite dans l’urgence, davantage dans le but de sauver le club, que dans l’optique d’une vision pérenne à long terme. S’il n’a pas forcément brillé lors de ces dernières aventures sur le banc, le Racing 92 pouvait-il réellement s’offrir quelqu’un d’autre à ce moment-là de la saison ? Probablement pas. C’est un sacré défi qui attend les deux parties. Collazo, souhaitera laver l’affront de ces dernières années, le Racing, lui voudra ne pas sombrer dans les abysses du classement.