Ce samedi 24 mai à Cardiff, l’Union Bordeaux-Bègles défie les Northampton Saints en finale de la Champions Cup. Une affiche que personne n’avait vraiment vue venir. Bordeaux vit sa toute première finale européenne. Northampton n’avait plus atteint ce niveau depuis 2011. Entre une équipe française qui marche sur l’eau et des Anglais gonflés à bloc par une campagne de rêve, la promesse est belle.
Bordeaux-Bègles, un vent nouveau souffle sur l’Europe
Il y a un an, personne ne parlait de l’UBB comme d’un prétendant à l’Europe. Et pourtant, cette saison, les Girondins ont tout balayé sur leur passage. En Top 14, ils sont deuxièmes, déjà qualifiés pour les demi-finales. En Champions Cup, ils ont gagné leurs quatre matchs de poule, avec 33 essais inscrits, soit la meilleure attaque. Puis sont venus les matchs couperets : Ulster (43-31), Munster (47-29), et surtout une demi-finale épatante contre Toulouse (35-18) au Matmut Atlantique.
Cette montée en puissance, c’est aussi l’œuvre de Yannick Bru. Sous sa direction, l’UBB a trouvé un équilibre rare entre jeu spectaculaire et efficacité. La charnière Lucu–Jalibert donne le tempo, les ailiers Bielle-Biarrey et Penaud terminent les coups avec brio, et devant, ça tient très solide, notamment en mêlée. Pete Samu, le troisième ligne australien, incarne cette agressivité positive, capable de gratter des ballons et de remonter 60 mètres pour marquer comme il l’a fait contre Toulouse.
L’un des rares points faibles reste la touche, parfois fébrile. Et puis il faudra gérer l’événement : c’est une première finale, et certains pourraient se laisser happer par l’enjeu. L’UBB sait qu’il faudra rester discipliné, éviter les erreurs, et composer avec l’incertitude autour de Penaud, qui revient tout juste de blessure. Mais l’ambiance dans le groupe est sereine, concentrée, sans pression excessive. Le mot d’ordre, selon Bru, c’est « jouer à fond, mais sans perdre la tête ».
Northampton, des galères du championnat à la lumière européenne
Côté anglais, la saison a été plus chaotique. 8ᵉ de Premiership, pas de phase finale domestique. Les Saints ont vite compris qu’ils ne pourraient pas tout jouer, et ont donc misé sur l’Europe. Choix risqué, mais gagnant.
Ils sortent d’une phase de poule solide (3 victoires, 1 défaite), puis ont enchaîné les grosses perfs : Clermont (46-24), Castres (51-16), et surtout le coup de tonnerre à Dublin contre le Leinster (37-34). Un match où Northampton a étouffé l’ogre irlandais pendant une mi-temps, avant de tenir bon dans une fin de match irrespirable.
Cette équipe joue vite, fort et sans complexes. Le demi de mêlée Alex Mitchell en est le cœur battant, ultra rapide, toujours à l’affût. À ses côtés, le jeune ouvreur Fin Smith (21 ans) affiche une maturité bluffante. L’ailier Tommy Freeman est l’autre homme en forme : 7 essais en 3 matchs, dont un triplé en demi-finale. Et dans le pack, Henry Pollock, 20 ans à peine, a livré une prestation monstre contre Leinster avec 24 plaquages et un essai rageur.
Mais les Saints arrivent à Cardiff très diminués. Le puissant Juarno Augustus est forfait, et plusieurs titulaires sont très incertains (Langdon, Coles, Ramm, Mayanavanua). Le staff garde le flou sur les compositions, mais le risque d’un pack remanié est réel. Ce qui pourrait poser problème contre le 5 de devant girondin, l’un des plus puissants du plateau.
Henry Pollock, la révélation qui dérange
Parmi les surprises anglaises de cette saison, Henry Pollock s’impose comme un véritable poison. Peu attendu au départ, le jeune troisième ligne aile de 20 ans est en train de s’imposer comme un élément central du système des Saints. Sa demi-finale contre Leinster est restée dans les mémoires : 24 plaquages réussis, un essai plein de hargne, et une présence constante dans les zones d’affrontement.
Pollock impressionne par sa vitesse d’intervention, sa capacité à gratter des ballons au sol et à enchaîner les tâches ingrates sans jamais baisser d’intensité. Son nom commence déjà à circuler pour une éventuelle tournée des Lions britanniques, preuve que ses performances ne passent pas inaperçues.
Avec le forfait d’Augustus, il devra encore monter d’un cran pour contenir des porteurs de balle comme Samu ou Bochaton. Son gabarit plus léger pourrait être un handicap dans les phases de puissance, mais sa fougue et son insouciance peuvent aussi créer des turnovers décisifs. Attention quand même à sa discipline : un carton jaune pour plaquage haut en demi-finale rappelle que l’excès d’engagement peut se payer cher. Reste qu’il est aujourd’hui l’un des moteurs défensifs des Saints.
Des hommes pour faire basculer la finale
Matthieu Jalibert est clairement l’un des joueurs les plus attendus. En feu ces dernières semaines, il a été élu homme du match contre Toulouse, marquant un essai et créant presque tout le reste. Son compère Maxime Lucu, plus discret médiatiquement, est un gestionnaire chirurgical : son jeu au pied long, son calme et sa vista sont des atouts majeurs.
Damian Penaud, s’il est remis, sera le facteur X. Même diminué, il reste un danger permanent, capable de faire la différence sur une demi-occasion. Louis Bielle-Biarrey, lui, n’a plus besoin d’introduction : 29 essais cette saison, dont 8 en Champions Cup. Une machine.
Chez les Saints, tout passera encore par Mitchell, le détonateur. Freeman, l’arme fatale sur l’aile, pourrait profiter de la moindre hésitation dans le camp bordelais. Furbank, de retour de blessure, apportera son expérience et sa relance. Et Pollock, encore lui, pourrait bien peser lourd dans les moments chauds.
Un affrontement d’identités et de tempéraments
Bordeaux joue sur son élan, sa confiance, et un rugby décomplexé, mais a conscience que tout peut basculer vite dans une finale. Northampton arrive libéré, presque en mission, avec l’impression d’avoir déjà accompli quelque chose. Ce sera la fraîcheur et la régularité des Girondins contre le culot et la résilience des Saints.
Ce qui pourrait faire la différence ? La conquête. Si Northampton souffre en mêlée et en touche, ça sentira le roussi. Mais si les Anglais arrivent à emballer le match, à jouer vite, à faire courir les avants français, alors tout redevient ouvert.
Une finale pour l’histoire
L’Europe du rugby aura les yeux rivés sur Cardiff. L’histoire retiendra le premier sacre de Bordeaux ou le retour sur le toit de l’Europe de Northampton, 25 ans après leur seul titre. Deux trajectoires très différentes, deux équipes qui ont fait tomber les cadors, et un match qui promet. Pas de favori clair, pas de certitude. Juste une finale, et tout à écrire.
J’ai grandi dans une famille où le rugby était de tous les moments. J’étais au bord du terrain quand Castres a battu Pau et a rejoint l’élite, j’étais dans le Stade Pierre Antoine face à Gary Whetton quand il a fait son Haka pour célébrer le Brennus de 1993 et j’ai toujours été bercé des légendes de ce sport. Maintenant, c’est avec XV Ovalie que j’entends prolonger l’aventure. #TeamCO