Bernard Laporte refait le match : entre Dupont, Grand Chelem manqué et banc en 7-1, l’ex-sélectionneur n’élude rien

Le Tournoi 2025 s’est terminé sur une note globalement positive pour le XV de France, titré après une belle victoire contre l’Écosse. Mais Bernard Laporte, figure du rugby français, n’a pas franchement sabré le champagne. Entre la blessure d’Antoine Dupont, la défaite frustrante en Angleterre et les polémiques sur les choix tactiques, l’ancien boss des Bleus estime que ce sacre reste incomplet.

« Gagner, c’est bien… mais c’est inachevé »

Pour Bernard Laporte, la victoire dans le Tournoi a un goût de victoire… un peu râpeux. Le sélectionneur des années 2000 et ex-président de la FFR ne cache pas son admiration pour le groupe actuel, mais il pointe un manque évident : le Grand Chelem échappé d’un rien. Dans une interview accordée à Midi Libre, il résume le sentiment partagé par beaucoup : « C’est mérité, c’est super de gagner, mais c’est inachevé. »

L’échec à Twickenham, sur un essai encaissé dans les toutes dernières secondes (défaite 26-25), a laissé une trace. Pas uniquement comptable, mais émotionnelle. « Le Grand Chelem, c’est toujours autre chose. Tu marques l’histoire encore plus », lâche Laporte. Et ce n’est pas qu’un détail : sur 27 Tournois remportés, la France n’a réalisé que 10 Grands Chelems. Voilà pourquoi le titre 2025, aussi beau soit-il, reste pour lui un chapitre refermé à moitié.

Dupont, le coup dur que personne n’attendait

Autre moment fort — et dur — du Tournoi : la blessure d’Antoine Dupont, victime d’une rupture des ligaments croisés face à l’Irlande. La scène a relancé les soupçons habituels sur un possible ciblage du joueur vedette. Laporte, lui, balaie l’idée sans détour : « Un joueur ne rentre pas sur un terrain pour péter le genou de l’autre. Ça n’existe pas dans le monde professionnel », martèle-t-il dans La Dépêche.

Pour lui, l’accident est malheureux, mais reste un fait de jeu. D’autant plus douloureux qu’il touche la figure de proue du rugby français, déjà opéré à ce même genou. « C’est navrant », concède-t-il. La durée d’indisponibilité annoncée — 8 mois — vient noircir encore un peu plus le tableau.

La génération actuelle, fruit d’un virage stratégique

Laporte n’oublie pas de rappeler que la dynamique actuelle ne sort pas de nulle part. Selon lui, le changement de cap lancé en 2016, avec la suppression du Pôle France et la centralisation autour de la DTN, commence à produire ses effets. Des jeunes comme Nouchi, Auradou ou Jégou s’installent plus tôt au plus haut niveau. « Avant, ça ne jouait jamais. Maintenant, ils sont performants », souligne-t-il.

Il salue aussi le boulot de Fabien Galthié et de son staff, même s’il garde en travers de la gorge une autre échéance ratée : « Je râle encore parce que je pense qu’on aurait dû être champion du monde en 2023 », glisse-t-il, amer.

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Le banc en 7-1 ? « Chacun fait ce qu’il veut »

L’une des polémiques récentes autour des Bleus concerne le choix d’un banc en 7-1, avec sept avants remplaçants et un seul trois-quarts. Pour Laporte, cette stratégie ne mérite pas les critiques : « Tu as le droit à huit remplaçants, tu fais ce que tu veux », tranche-t-il.

Il renvoie à la finale de la Coupe du monde 2023, où Rassie Erasmus avait opté pour la même formule, en assumant le risque. Cela dit, l’ancien sélectionneur ouvre une piste de réflexion bien à lui : « Pour moi, tu peux avoir huit remplaçants, voire dix si tu veux, mais tu ne devrais en faire rentrer que quatre ou cinq. Comme au foot. » Une vision du rugby comme sport d’endurance, où l’usure physique fait partie intégrante du combat. « Quand Teddy Riner est sur le tatami, il ne dit pas ‘attends, deux minutes, je sors’. »

Gérer les corps et les calendriers

Romain Ntamack a récemment exprimé son envie de participer à la tournée d’été en Nouvelle-Zélande, malgré une saison chargée et des phases finales à venir en club. Là-dessus, Laporte comprend l’état d’esprit : le demi d’ouverture a enchaîné blessures et frustrations, dont une Coupe du monde ratée sur blessure. « Il a faim de rugby », constate-t-il.

Mais il insiste sur une chose : la gestion du groupe ne se limite pas à trois matchs contre les Blacks. C’est toute une logique de planification sur le long terme qui est en jeu, entre sélections, clubs et staff.

Une victoire à double lecture

Ce titre dans le Tournoi 2025 restera donc comme un succès en demi-teinte pour Bernard Laporte. Satisfait, mais pas comblé. Confiant dans la profondeur du groupe France, mais inquiet pour les symboles, à l’image d’Antoine Dupont. Et convaincu qu’un banc en 7-1 n’a rien de choquant, tant qu’il s’inscrit dans une cohérence de jeu. Le genre de lucidité que seul un ancien sélectionneur peut se permettre sans filtre.

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J’ai grandi dans une famille où le rugby était de tous les moments. J’étais au bord du terrain quand Castres a battu Pau et a rejoint l’élite, j’étais dans le Stade Pierre Antoine face à Gary Whetton quand il a fait son Haka pour célébrer le Brennus de 1993 et j’ai toujours été bercé des légendes de ce sport. Maintenant, c’est avec XV Ovalie que j’entends prolonger l’aventure. #TeamCO